memories under the rock
En suis-je capable ?
En avais-je un jour été capable ?
Parfois, Miki tendait la main dans l’obscurité comme si celle-ci détenait toutes les réponses, qu’il lui suffisait de replier ses doigts contre sa paume pour les y trouver. Seulement, dès qu’il posait les yeux sur le creux de sa paume, il n’y avait rien de plus que d’incompréhensibles cicatrices. Elles lui étaient aussi étrangères que familières, et s’il retraçait leurs contours du bout des doigts, il jurait avoir ressenti cette sensation auparavant. Ces fragments de sa mémoire lui étaient inatteignables, perdus à jamais malgré ses efforts pour les récupérer, pour redevenir celui qu’il avait un jour été.
N’être plus qu’une pièce d’un puzzle n’aurait dû le troubler d’aucune façon - ce qui avait été le cas lorsqu’il s’était soudain retrouvé dans le monde des humains, ne ressentant alors rien de plus que le viscéral besoin de se reposer, comme si son existence même méritait une pause longuement attendue. Miki aurait dû poursuivre ainsi, les yeux fermés, avec le sentiment d’en avoir terminé avec une tâche ardue.
Bien sûr, c’était sans compter une aide extérieure qui, sans crier gare, lança une pierre sur le lac paisible de sa nouvelle vie. Remous après remous, Miki était forcé d’accepter que sa pause s’arrêtât là, même si le sourire que ce monstre extravagant lui offrait ne ramenait aucun souvenir à la surface.
Curieusement surnommé Romeo, il proclamait être son frère, de trois siècles son cadet.
La nouvelle lui fit le même effet que ses cicatrices, dans le creux de sa paume, lorsqu’il y passait le doigt ; aussi étrange que familier. Cette histoire paraissait venir d’une autre vie – une vie qui n’était pas sienne et Miki ne se sentait pas prêt à assumer ce rôle d’aîné. Il ne se sentait pas prêt à attraper quelque chose, en tendant la main dans l’obscurité.
C’était toutefois plus fort que lui à force de côtoyer Romeo. Passer du temps avec lui le rendait curieux sur leur monde d’origine et il s’autorisait à lui exprimer ce désir d’en connaître davantage sur leur passé commun – sur ce tableau qu’il fût jadis, lorsque toutes les pièces du puzzle étaient assemblées.
Cependant, dès que Romeo était à ses côtés, une question lui brûlait les lèvres, mais Miki était incapable de la formuler à voix haute. Elle le hantait à chaque occasion et il se retrouvait à préférer le confort de l’obscurité. Il préférait fermer les yeux que de savoir.
Savoir si oui, ou non, avait-il un jour été capable, de l’élever à la place de leurs parents.